Quelles contraintes ont façonné l’apparition et le développement du système nerveux dans le règne animal ? Des contraintes auxquelles l’humain n’échappe en aucune manière y compris dans ses capacités les plus évoluées.
Le monde dans lequel nous vivons n’a rien à voir avec celui, policé et formel que l’intelligence artificielle a imaginé être le terreau d’une intelligence parfaitement rationnelle. C’est un monde bouillonnant, instable aux causalités incertaines et le plus souvent insaisissables. La plupart des lois de la Nature échappent à nos sens et ne se manifestent à nous qu’après d’inextricables cascades d’effets interagissant entre eux. Ce que nous percevons et plus encore ce que nous comprenons, n’est que l’écume des évènements. Mais alors, comment faire face à cette hypercomplexité, comment percer le brouillard de l’incertitude, comment en extraire l’information utile, qui nous sauvera la vie ? C’est le défi relevé par l’Evolution en inventant le système nerveux, un défi relevé par l’animalité bien avant que ne bourgeonne l’Homo sapiens dans l’arbre luxuriant des inventions de la nature. [...] Le problème originel auquel tout être vivant doit faire face est ce mélange de régularités et de hasards avec lequel il doit composer en affrontant quatre contraintes d’acier ; la complexité, l’incertitude, la variabilité et ses besoins vitaux. Cela se manifeste jusque dans les détails de notre vie quotidienne, dès que nous ouvrons un œil le matin nous savons que nous serons confrontés à des situations ouvertes sans solution a priori. Les règles, codes, procédures et lois élaborés par notre civilisation ne font que réduire l’incertitude. Le code de la route ne supprime pas les accidents et les placements en bourse partent régulièrement en fumée malgré la puissance des ordinateurs et les prix Nobel d’économie. Chacun tente de se frayer un chemin dans l’existence à l’abri des aléas tout en sachant qu’une main invisible peut, à tout moment, jeter les dés du destin sous ses pas. […] L’Evolution a développé des mécanismes bien éloignés de la pure raison pour faire face aux contraintes qui s’imposent à toutes ses créatures y compris Homo sapiens ; besoins, sensations, perceptions, émotions, exploration, jeu, apprentissage, protection des jeunes par les parents, langage, culture... Toute ces stratégies que l’on considère parfois avec condescendance parce qu’imparfaites sont nécessaires car le problème premier est de faire face à l’incertitude. Si les capacités logiques et formelles sont apparues très tard dans l’évolution des espèces ce n’est pas seulement qu’il fallait attendre le gros cerveau d’Homo sapiens, c’est qu’elles ne sont pas essentielles pour la survie, il n’y a que l’espèce humaine à ne pouvoir s’en passer…
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