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Intelligence Naturelle (3)

Sens et Langage

Les mots n’ont pas de sens… ceux que vous lisez en ce moment ne contiennent, en eux-mêmes, aucun sens. Ces mots ne font que désigner le sens, ce ne sont que des liens entre ma représentation du monde et la vôtre. En les écrivant, je fais l’hypothèse qu’ils vont évoquer dans votre représentation du monde le même sens qu’ils désignent dans la mienne. Si vous et moi ne partagions pas une représentation commune du monde ils ne serviraient à rien, aucune langue, aucun dictionnaire ni manuel de grammaire n’y pourrait rien. Le sens précède le langage naturel, il est sa fondation. Les mots, les phrases, la syntaxe, la grammaire sont des boutons activant avec plus ou moins de succès et de précision les concepts de notre représentation personnelle du monde.

Cette approche naturaliste d’une signification sensible dont le langage dépend, est à l’opposé de la thèse formaliste de la représentation de la signification très répandue dans les domaines de la linguistique et de l’intelligence artificielle. Pour le linguiste Noam Chomsky et des philosophes tels que Jerry Fodor, la signification est portée par les règles du langage appliquées à des données symboliques : les mots. Dans cette approche formaliste, la phrase : ‘'la pomme tombe de l’arbre'’, a une signification qui ne dépend ni de son auteur ni de son lecteur. Convergeant avec le programme du philosophe Wilhelm Leibnitz, le courant dominant de la linguistique s’est attaché à découvrir les règles universelles de formation des phrases communes à toutes les langues. Si le formalisme est capable de modéliser des situations réductibles à des règles du type « si … alors … sinon », il est incapable de modéliser ce que les individus ressentent et donc la signification des mots. Les concepts de la vie qui nous paraissent simples sont extrêmement difficiles à décrire formellement. Dès lors qu’ils ressortent d’expériences sensibles, les mots sont incapables d’autre chose que de les évoquer en nous.

La seule façon d’assimiler une langue est de lentement tisser avec chacun de ses mots et expressions, des liens avec notre expérience personnelle. Le sens est en nous et seulement en nous, il est incommunicable par lui-même. Le langage n’est qu’un activateur de sens, en espérant qu’il soit similaire entre les interlocuteurs. Si notre interlocuteur ne possède pas la même expérience que celle que nous évoquons, il lui est impossible de nous comprendre, pire il peut croire nous comprendre et nous allons croire qu’il nous comprend aboutissant à un malentendu dont aucun n’aura conscience.

 

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